« Allons Mayumi, la pension ce n'est pas si mal, tu auras tout le loisir de te refaire des copines et surtout, tu pourras te concentrer sur tes études. Tu as déjà passer assez de temps à te tourner les pouces comme ça... tu devrais aussi songer à faire des stages si tu veux savoir quelle université choisir par la suite... »

Blablabla... assise dans le taxi qui m'emmenait à la pension, je repensais vaguement aux mots de mon père lorsque celui-ci me conduisait à la gare. Tandis que mon I-pod me chantait « We're all trapping in maze of relationship, life goes on with or without you » je me demandais s'il n'essayait pas de me dire : « hé oui mais grande, t'es copines vont vite te zapper et apparemment t'es parents sont plutôt soulagés de se débarrasser de toi... ». Je lâchais un petit soupire pour moi-même puis posa mon regard sur la route où les bandes blanches défilaient en rythme. Cette histoire de pension, je voyais ça comme une punition à durée indéterminée. Si je loupais mes examens, j'étais bonne pour refaire une dernière année de lycée... ou alors, je partirais m'isoler dans un monastère de prêtresse quelque part à l'autre bout du Japon dans l'espoir que mes parents ne me retrouvent jamais. J'étais en train de m'imaginer la scène lorsque le taxi s'arrêta devant résidence Ichigo.

« Vous voici arrivé miss. »

J'adressais un sourire au chauffeur tout en le remerciant et en réglant le voyage avec les sous que mes parents m'avaient donnés. Une fois mes deux grosses valises sorties du coffre, le véhicule s'éloigna jusqu'à disparaitre... un soupire s'échappa de mes lèvres à nouveau. Heureusement, l'endroit semblait être assez cool et relativement vivant. Avant de bouger, je sortis mon portable de la poche de mon duffle-coat, histoire d'envoyer un message à mes parents pour leur dire que j'étais bien arrivée.

Une fois ceci fait, je traînais derrière moi mes deux grosses valises... « tu rentreras tous les week end, pourquoi emmènes-tu autant de vêtements Mayumi ? » je crois que ma mère n'avait pas tort de me dire que j'en prenais trop... c'était vachement lourds pour une fille comme moi. Pourtant, par rapport à mon armoire, je n'avais pas l'impression d'en emporter tellement... ça m'apprendra à être aussi gâtée !

Bon une fois arrivée dans le hall je me laissais tomber sur l'une de mes valises... c'était vraiment épuisant ! J'ai toujours été plutôt sportive, mais là, c'était trop d'un coup. Enfin bon, maintenant il me fallait trouver ma chambre et récupérer l'uniforme de St Rim... quoi que c'était peut-être directement à St Rim qu'il fallait que je demande... quelle prise de tête. Enfin ne sautons pas les étapes : déjà la chambre.

Je me relevais et aperçu l'escalier... un coup d’œil aux valises... puis à l'escalier... aux valises à nouveau... Non !!! Comment allais-je faire pour les monter toute seule ?! Je n'avais pas du tout envie de faire cinquante-mille montées et descentes dans l'escalier... Enfin, je jetais un coup d’œil à une autre personne qui se trouvait dans le hall, il s'agissait d'une jeune fille qui avait l'air d'avoir mon âge - ou dans ses eaux là quoi - ses cheveux étaient noirs et elle portait un piercing. Bon aller, je décidais d'aller lui demander de l'aide. Je me rapprochais en laissant mes valises sur place et lui adressa un sourire.

« Excuse-moi, je suis nouvelle ici et je me demandais si tu voulais bien m'aider pour le repérage et pour monter une valise. »

Certes, c'était directe, mais en même temps, je n'allais pas passer par quatre chemins juste pour avoir un peu d'aide.

Amy n’en pouvait plus. Ce pensionnat n’était décidemment pas fait pour elle. Trop distingué, trop fille, trop tout ! Pour la 12ème fois depuis le début de l’année scolaire, elle était convoquée au bureau de la direction. Ok, elle n’aurait peut-être pas dû insulter une conseillère de Spica, mais elle l’avait mérité ! Cette idiote se pavanait dans les couloirs et elle avait bousculé Amy ! A cause de la maladresse de cette stupide péteuse, Amy avait lâché sa précieuse guitare. Bon ok, elle n’avait rien, mais c’est la raison pour laquelle Amy n’avait fait qu’insulter la conseillère ! Enfin bref, avec tout ça, Amy se retrouvait à devoir voir la direction, encore ! Elle avait beaucoup de chance de ne pas être encore expulsée. Elle se doutait que c’était dû à la somme d’argent colossale que ses parents versaient à l’école pour qu’elle puisse rester. Tout ça la dégoûtait… L’appât du gain de ces saintes-nitouches et de voir ce que ses parents étaient prêts à faire pour ne pas devoir s’occuper d’elle. Bah au final ça l’arrangeait de ne pas devoir supporter ces deux hypocrites, mais pourquoi ne pouvait-elle pas être ailleurs que dans cette maison de poupées Barbies ? Amy n’était pas très loin de tout simplement fuguer, malheureusement ce serait trop d’emmerdes. En effet, son visa ne l’autorisait pas à travailler et en plus il stipulait qu’elle devait continuer à suivre les cours à Astrea Hill. Amy était une rebelle, mais elle n’était pas complètement idiote. Elle savait bien qu’une vie de vagabonde ne ferait que lui apporter encore plus de problèmes. Alors elle faisait mine basse et restait ici, mais malgré tout elle devait dire ce qu’elle pensait, c’était plus fort qu’elle.

«… totalement irresponsable… la chance d’être à Spica… gâchez… apprendre les bonnes manières… expulsion… prochaine fois… à carreaux… retenue tous les jours à 19h…disposez… »

*Pfff… chef oui chef !*

Amy se pencha.

- Veuillez m’excuser, ça ne se reproduira plus.

Amy sortit du bureau. Elle bouillonnait. Elle avait dû faire preuve d’un self-control énorme pour ne rien répondre de déplacé. L’envie de manquait pas, mais elle savait que ce serait stupide. Et puis elle n’avait pas envie de retourner en Angleterre non plus. Là-bas il y avait ses parents, et puis… il y avait sa « bande », ses potes soi-disant. Elle savait que si elle devait revoir cette bande de lâche ça ne se passerait pas bien du tout. Non il valait mieux qu’elle serre les dents et qu’elle réussisse à ne pas se faire renvoyer !

Amy s’adossa au mur et se laissa ensuite glisser sur le sol. Elle savait que ce n’était pas une tenue correcte pour une élève de Spica, mais après tout ce qu’elle avait déjà fait, elle était sûre qu’on ne l’emmerderait pas pour ça. Et puis il n’y avait personne dans le hall de la Résidence à cette heure-ci. Amy était assise avec les genoux repliés, le front posé dessus et les bras autour des jambes. Elle souffla bruyamment. Elle n’en pouvait plus, mais elle devait continuer.

Après quelques dizaines de minutes à rester là immobile, elle décida d’aller jouer un peu de guitare pour se changer les idées. Elle se redressa lentement, donnant l’impression de porter le poids du monde sur le dos. Elle allait se diriger vers les escaliers quand une jeune fille l’aborda.

« Excuse-moi, je suis nouvelle ici et je me demandais si tu voulais bien m'aider pour le repérage et pour monter une valise. »

Amy la dévisagea une seconde. Tout d’abord, elle était surprise. Déjà, très peu de gens osaient lui adresser la parole ici, et en plus cette fille était assez directe. Ensuite, la requête qui venait de lui être posée atteint son cerveau. Elle ? Aider une inconnue ? A monter de lourds bagages en plus ? Blague ! Amy avait déjà sa réponse toute faite dans sa tête

*Va te faire foutre, j’ai pas que ça à faire, démerde toi bordel !*

Mais alors qu’elle allait répondre, elle se retint. Elle repensa à son séjour à la direction. Ce n’était vraiment pas le moment de faire des vagues, il fallait absolument qu’elle commence à gagner des points. Elle regarda la nouvelle de haut en bas. Elle était très petite par rapport à Amy et, il fallait le dire, elle était vachement mignonne. Amy esquissa un petit sourire pensant à des plans pervers et diaboliques. Bah quoi, si on peu plus s’amuser ! Elle fini donc par lui répondre avec de gros efforts de politesse :

- ‘Lut ! Moi c’est Amy. Je sais pas si je suis la meilleure personne pour chercher de l’aide, mais j’allais monter, j’peux prendre un sac.

Amy sourit. Au fond d’elle elle avait vraiment envie de se tirer, mais elle essayait de se raisonner. Au final ce n’était peut-être pas une mauvaise chose. Se faire des connaissances, aider les nouvelles, ça lui permettrait peut-être d’enfin avoir la paix avec la direction ! Amy tendit la main à la jeune fille en face d’elle. Elle le faisait pour que cette dernière lui passe un sac sans penser qu’elle pourrait l’interpréter comme une intention d’être sympathique et de la saluer.

- Je suppose que tu veux aller à ta chambre pour poser tout ça ? L’étage où tu crèches dépend de ton année d’études… Mignon n’est-ce pas ?

Amy avait un sourire totalement cynique, mais elle le ravisa vite. Elle se souvint qu’elle devait essayer de faire des efforts pour être sympathique !

- Ouai bon… Allons-y…

L'inconnue à qui je m'adressais se présenta sous le nom de Amy, c'est marrant, mais je trouvais que ce prénom lui allait parfaitement bien... est-ce qu'on peut dire d'une personne que son prénom lui va bien ? Je n'avais pas réfléchi à cette question mais « Amy » avait un côté rock qui lui seyait à merveille. Elle me faisait penser à l'une de mes copines... mais bon, là n'était pas la question, j'étais assez étonné en constatant qu'elle acceptait de m'aider à monter mes valises (ma pote, elle, n'aurait pas accepté aussi facilement, même si certes, elle n'était pas foncièrement méchante, c'est surement un genre que veulent se donner les « rockeuses »... c'est mignon après tout). La jeune fille me proposa de prendre l'une de mes valises... enfin, c'était pas vraiment une proposition puisqu'en réalité j'avais réclamé de l'aide pour ça aussi. Je lui adressais un sourire et lui tendit la moins lourde. Je n'allais quand même pas lui faire porter la plus pensante des deux, pour quoi je serais passé après ?!




Ça faisait un peu formel tout ça, mais en même temps, je n'allais pas lui parler comme si l'on avait élevé les cochons ensemble. C'était bien ça le souci avec le changement d'école : avant de se faire des connaissances puis peut-être des amis, il fallait passer par le stade des conversations bateaux afin d'apprendre à connaitre les gens. Et ses conversations étaient généralement très ennuyeuses.

Je lâchais un petit rire amusé suite à sa remarque sur les étages. Je n'avais jamais été en pension donc tout cela m'était inconnu, mais en même temps ça semblait assez logique de trier les élèves par année d'études, comme on dit « on ne mélange pas les torchons et les serviettes ».



Personnellement, je disais plutôt d'un top ou d'un short qu'il était mignon, voir même d'un chaton ou d'un lapin, mais pour le classement des élèves, c'était assez original comme terme. Bref, je regardais l'escalier de façon dépiter.



Évidemment, la fin de ma phrase était totalement ironique. Dans un sens, j'étais contente d'être en sixième année, même si cela voulait dire concours d'entrée dans les bonnes universités, pour moi ça signifiait aussi que je n'avais qu'un étage à monter. Je commençais à monter les marches en trainant cette satanée valise à côté de moi... j'étais plutôt du genre énergique mais là, je devais bien avouer que si j'avais été vraiment toute seule j'aurais fait une pause à chaque marche.



Lui demander son école me semblait être un bon moyen d'entamer une de ses « conversations bateaux » ... si ça se trouve nous serions dans la même école, voir dans la même classe au moins je connaîtrais le prénom d'une personne sur trente-cinq, ce serait déjà ça... mais en même temps les chances pour qu'on soit dans la même école et dans la même classe était assez infimes.